La Mort salée est transcendante
« Le vent m’embrasse
Le ciel est noir sur l’Océan
La Tempête arrive »
Tes pieds sont léchés par les vagues, sur lequel l’instrument-radeau danse de plus en plus fort : des collines liquides naissent et meurent partout à mesure qu’un mur noir se forme au-dessus de vos têtes. Toi - et Serafina.
Celle-ci, d’ailleurs, accompagne la tempête naissante de ses doigts et de ses accords profonds, amoureux comme l’Eau qui vous porte, en une cascade de perles aiguës et graves desquelles naissent des murs noirs de plus en plus hauts, rugissants avec les gouttes qui commencent à jouer, elles aussi, leur symphonie sur la Mer grise et sur vos corps.
Et, soutenant les accords de la jeune fille comme des chœurs, des phrases, des mots naissent avec les notes, de plus en plus sombres sous la lumière déclinante qui décrivent votre paysage comme le Temps, immuable, éternel mais relatif tout à la fois, dans son ennui
Spectral comme dans l’Imagination.
L’Imagination : elle qui peut transformer même le Temps.
Serafina se relève de ses touches et te rejoint, nue, belle et terrible dans son regard exalté par le déchaînement des éléments nés de ses doigts et de sa musique ; et celle-ci continue ! Inlassablement, éternellement, le piano continue de résonner.
Frappent les gouttes, de plus en plus fort… Tu te rappelles de tes premiers dialogues écrits avec la jeune femme, et ceci t’avait frappé :
«
Je suis là parce que tu es là. Et tu es là parce que j’y suis »
T’emparant d’un stylo et d’une feuille trempée, tu écris :
«
Tu le penses toujours ? »
«
Bien sûr. »
«
C’est parce que nous sommes un ? »
Elle te regarde alors, sourit, et, approchant ses lèvres des tiennes, t’embrasse voluptueusement.
«
Nous sommes un, tu as pris Conscience de mon Existence et maintenant, unis-toi à moi… pour être entier. »
Le premier éclair charcute le ciel et les eaux dans un bruit d’écartèlement alors que tu lui insuffle
Ton Être à-travers ses lèvres, mais ce n’est pas assez, et tu te fonds en elle pour qu’enfin, vous soyez
réunis.
Tu es entré en elle pour ne plus en ressortir…
***
Tu entends une voix,
Serafina, Serafina ! - Oui ?, réponds-tu, et tu ouvres les yeux. La tempête est finie. Tes seins,
Ton ventre, tes lèvres sont encore empreintes des baisers de
Ton autre
face, comme tu l’appelais. Mais tu vois son corps glisser, glisser, et s’effacer dans l’Océan.
Il a répondu à l’appel du repos, telle la feuille d’Automne qui s’endort enfin - ainsi :
«
LA FEUILLE : Toi qui ne dors jamais, toi qui chante toujours, voudras-tu m’accepter ?
LA RIVIÈRE : Toi qui te balances à la branche, toi qui apportes le Message du vent, pourquoi veux-tu que je t’accueille ?
LA FEUILLE : Il est tard et mon arbre se prépare au froid, vois comme je suis rouge !
LA RIVIÈRE : Il est tard et je sens le froid, mes galets sont d’argent, vois comme je suis grise !
LA FEUILLE : Toi qui es grise et belle, veux-tu un peu de couleur sur ta parure ?
LA RIVIÈRE : Le gris-argent, je l’aime, il me rend mon manteau d’automne et d’hiver, le manteau du repos avant la fonte des neiges.
LA FEUILLE : Le rouge se changera bientôt en brun d’humus, et je tomberai pour m’endormir.
LA RIVIÈRE : C’est le vent qui te le murmure, il te donne envie d’aller Voyager une dernière fois. Je t’accepterai, feuille, viens donc sur la vague et sur l’écume ! Tu pourras trouver un coin en compagnie de tes semblables pour te reposer à la fin.
Le Vent du Nord soufflait et annonçait la neige proche, il enveloppa délicatement la feuille et elle se laissa emporter, pour tournoyer, danser dans la main aérienne du Vent, chantant avec lui sa joie, ses souvenirs de printemps et de fraîcheur des premières pluies d’avril, ses mémoires d’été et de sombres orages, ses amours d’automne de feu où la passion lui avait donné le rouge aux joues.
En contrebas, dans la gorge au-dessus de laquelle la maison de chêne de la feuille se balançait, l’eau disait des paroles d’oubli sauveur, et la feuille en touchant l’écume, ferma ses paupières pour se laisser aller, doucement, vers une terre merveilleuse de repos. »
C’est mieux comme ça. Lui, trop rationnel, t’aurait freinée dans ta quête de liberté imaginative. Mais tu lui seras éternellement reconnaissante t’avoir pris conscience de ton existence et de t’avoir, en quelque sorte, donné vie par son texte…
Et puis, n’êtes-vous pas
un ?